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Catherine Grèze : Premiers pas au parlement de Strasbourg...

Cher-e-s ami-e-s,

Enfin... enfin j'arrive à prendre quelques minutes pour vous rendre compte et vous tenir informés de mon activité, depuis que je suis élue au Parlement Européen. J'en profite pour remercier toutes celles et ceux qui ont participé à cette magnifique et imprévisible victoire. Petit à petit, jour après jour, nous prenons nos marques. Les premières semaines à Bruxelles étaient essentiellement occupées par des réunions de groupe de préparation et d'information sur les négociations menées par les présidents de groupe pour le partage des responsabilités. Lundi, je suis arrivée à Strasbourg pour la séance constitutive. Emue, impressionnée et à la fois enthousiaste de prendre ces nouvelles responsabilités.

Le rendez-vous le plus attendu dès Lundi, c'est les préparatifs de la coalition anti-Barosso. Dany et le groupe ont remportés une première victoire avec le report du vote, qui ne se fera donc pas cette semaine. Il nous reste à partager les rôles au sein des Commissions et surtout à élire le Président du Parlement et les vice-présidents. Le groupe donne une indication pour voter en faveur de Jerzy Bouzek. Bouzek est l'ancien Premier Ministre de Pologne, membre de PO, la plate-forme libérale de Donald Tusk, qui a renversé la majorité ultra-conservatrice des frères Kazinsky. Son premier engagement, c'est la dissidence antitotalitaire au sein de Solidarnosc et aux côtés de Lech Walesa. Il est le premier député d'Europe de l'Est à accéder au perchoir européen. Les raisons pour le soutenir sont multiples, surtout pour le symbole que représente enfin ce qui apparait comme la pleine intégration des pays d'Europe centrale et orientale. L'accord entre le PPE et le PSE ne fait pas de doute, je ne suis pourtant pas convaincue de vouloir le soutenir. Bouzek est issu du Parti Populaire Européen et nombre de ses positions me semblent très éloignées de notre arc de coalition, tant sur l'immigration, sur le droit des femmes et sur le droit des minorités. Bien que novice dans les couloirs de Strasbourg, ce brouillage des clivages à l'échelle européenne, pour réaliser un accord technique, ne me semble pas indiqué. Avec un certain nombre de mes collègues, je me refuse à voter pour un candidat issu du même parti que Barosso, et d'user ainsi de la liberté de vote dont nous bénéficions. La candidate de la GUE, Eva Svensson, unique candidate face à lui, exprime dans son allocution la nécessité de répondre aux urgences écologiques, sociales et démocratiques. Elle s'est engagée dans la mandature précédente dans de nombreux combats  proche des nôtres, notamment à travers son engagement féministe. Elle remportera un succès d'estime, avec 89 voix bien au-delà des députés de son groupe. Satisfaction au moment de l'élection des vice-présidences, Isabelle Durant, d'Ecolo, ancienne Ministre belge, est élue vice-présidente du Parlement Européen en huitième position avec 238 voix : nul doute qu'elle prendra avec brio la succession de Gérard Onesta, dont le travail reste dans les mémoires !

Les discussions avec les autres groupes nous ont permis d'aboutir à une répartition finalisée du travail en commission, les délégations seront définitivement réparties au mois de Septembre. Les élus d'Europe Ecologie vont être au coeur de  l'hémicycle. Eva Joly devient Présidente de la Commission Développement, je siégerai à ses côtés comme titulaire dans cette Commission. Nous travaillerons en coopération, ainsi qu'avec Ska Keller, nouvelle élue allemande de 28 ans, qui a été une militante active de la Fédération des Jeunes Ecologistes Européens. Nous assurerons en alternance la coordination politique du groupe, moi pendant la première partie et Ska pendant la seconde partie du mandat. Les chantiers prioritaires sont nombreux : lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, lutte contre la confiscation des terres arables, évaluation de la coopération et de l'aide publique au développement. A ce sujet, Marie, ma collaboratrice à Bruxelles, rencontre les représentants de la Coordination SUD, avec qui nous chercherons à établir une collaboration fructueuse, comme l'avaient laissé entendre les discussions lors de la campagne.

En plus de la Commission Développement, je siègerai comme suppléante à la Commission du Développement Régional, en compagnie des deux titulaires François Alfonsi et Karima Delli. Le champ d'action de cette Commission est énorme, et nous ne serons pas de trop à huit verts au sein de la Commission. Les fonds FEDER représentent le deuxième budget de l'UE, et le budget des fonds de cohésion augmente de 7,5% cette année. Ce sont les fonds FEDER qui permettent de mener les actions européennes en faveur de la cohésion sociale, depuis les régions défavorisées de Pologne ou de Bulgarie, jusqu'aux opérations de réhabilitation urbaine en Seine Saint Denis, que Karima suivra de près. Pour ma part, je souhaite porter une attention particulière aux thématiques concernant l'Outre-mer. Avec Harry Durimel, Europe Ecologie a réalisé des scores formidables dans l'eurorégion Outremer. Malgré la déception de ne pas avoir d'élus, l'engagement écologiste sur ces thématiques doit être porté, c'est ce que je faisais déjà au Collège Exécutif des Verts. Par ailleurs, après une campagne avec nos amis Basques et Catalans, les dynamiques transfrontalières et les possibilités qu'elles offrent aujourd'hui m'intéresseront au premier chef. Je sais que Tudi Kernalegen et la Comission Régions et Fédéralisme y consacrera même un atelier lors des Journées d'Etés. Enfin, j'ai demandé à siéger au Comité des Régions d'Europe, pour y représenter le Parlement Européen.

L'actualité, c'est aussi l'Amérique Latine, qui occupe nos esprits. J'ai demandé à avoir une délégation sur le Mercosur et l'Assemblée Parlementaire Eurolat. 

Depuis plusieurs jours, la situation au Honduras ne s'améliore pas. Manuel Zelaya n'a toujours pas retrouvé son pays et le coup d'Etat militaire perdure. Cette catastrophe constitue un précédent périlleux. Elle nous rappelle la triste époque où les pronunciamientos rythmaient la vie politique de l'Amérique Latine. Mais elle pourrait aussi signifier un tournant dangereux. Alors que depuis plusieurs années, la victoire des gauches dans de nombreux pays d'Amérique Latine a renouvelé le rêve de Bolívar, le retour des coups militaires pourrait constituer un précédent douloureux et mettre fin à ces expériences. Raul Romeva, d'ICV, intervient pour le groupe des Verts/ALE. Nous nous sommes concerté auparavant, et participons avec Willy Meyer, de la GUE, au lancement d'une pétition pour suspendre la négociation des accords commerciaux entre le Honduras et l'UE qui doivent s'ouvrir la semaine prochaine. Le parlementaire espagnol du PPE fait une intervention inquiétante : nous serons vigilant à ce que de prétendues opérations de conciliation ne visent pas à réhabiliter les putschistes. Sur ce point, la toute nouvelle Présidence suédoise est plutôt positive, tout comme l'attitude de la Commission, en condamnant sans ambiguïtés le coup d'Etat.

Autre événement à suivre de près, au Pérou, le massacre de Bagua des 6-7 Juin a provoqué 34 morts, en réprimant la lutte sociale menée par les indigènes de l'Aidesep. Le Premier ministre a été remplacé samedi dernier, tenu comme politiquement responsable de ces morts, et certains décrets introduisant un pillage dangereux des ressources naturelles ont étés retirés. Mais Alan Garcia (dont le parti est pourtant toujours membre de l'Internationale Socialiste, sic !) persiste dans sa politique libérale. La Defensora del Pueblo du Pérou décompte plus de 220 conflits sociaux au mois de Juin, dont une la majorité sont d'abord des conflits environnementaux. Par ailleurs, la répression persiste pour les leaders syndicalistes et indigènes de l'AIDESEP.

Après quelques hésitations, je reçois, en compagnie de Gaby Kupers, la collaboratrice du groupe en charge du suivi de ces questions, Ollanta Humala, en visite à Strasbourg. Il est le président du Parti Nationaliste Péruvien, un nationalisme qu'il précise d'emblée être distinct du nationalisme à l'européenne. Il s'inscrit dans un courant de gauche hostile à la globalisation libérale, soutenu par le Président Chavez. En 2006, il avait fait figure d'alternative à Alan Garcia et avait rassemblé 47% des suffrages. Pourtant Humala fait figure de populiste, son nationalisme inquiète quant au respect de la démocratie. Mais surtout, ancien militaire, putschiste contre Fujimori en 2000, il est accusé d'avoir participé à des massacres lors de la guerre civile contre le Sentier Lumineux et d'avoir alors piétiné les droits de l'homme. Je l'interroge sur son projet politique, son nationalisme, son lien avec les mouvements sociaux et l'Aidesep, mais surtout sur ses réponses à apporter aux questions environnementales et à sa défense des libertés publiques. Lui nie tout engagement antidémocratique et rappelle qu'il s'est toujours soumis aux procédures de justice et qu'il reprend les attendus de la Commission Vérité et Réconciliation. J'insiste surtout sur la nécessité de travailler à une coalition politique face à Alan Garcia et à ses liens avec la mouvance écologiste et la candidature du Padre Arana, militant écologiste, engagé dans la lutte contre les OGM et la lutte contre le désastre environnemental des mines. Une alternative politique est nécessaire au Pérou, il reste à en définir le contour, son projet et ses alliances, et la garantie qu'elle se fera dans le respect de la démocratie. J'ai refusé photos et passages médias, m'assurant ainsi que cette rencontre ne crée pas de vague.

Je suis longue, mais tout ceci n'est qu'un résumé partiel de ces intenses journées. J'en sors épuisée. Derrière toutes ces aventures politiques, c'est aussi une aventure personnelle qui s'ouvre pour moi. Avec mes collaborateurs, Marie Toussaint, Patrick Benkemoun et Stéphane Sitbon-Gomez, nous jonglons entre suivi des politiques et installation effective dans le dédale administratif du Parlement. Je retrouve aussi ici de nombreux amis, avec qui j'ai ˛uvré au sein de la Fédération des Partis Verts Européens, puis du PVE, depuis plus de quinze ans. Après une longue période dédiée, à la construction d'un outil politique qui dépasse nos frontières au sein des Globals Greens ou du Parti Vert Européen, me voici maintenant à l'assaut des institutions. J'essayerai de vous tenir le plus régulièrement possible informés, et je vous invite d'ores et déjà à vous inscrire aux Journées d'Etés, à Nîmes, dans notre Eurorégion et dans la ville de mon camarade Silvain Pastor, où nous pourrons plus longuement échanger.

Amicalement,

Catherine Grèze
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